L’image d’archive : une matière vivante
La Colombie clôt actuellement la plus longue guérilla d’Amérique Latine. Le résultat négatif du référendum d’octobre 2016 a montré que, bien que la paix soit voulu par le plus grand nombre, elle n’est pas envisagée par tous de la même manière. Ceux qui ont voté contre s’opposent au compromis trouvé avec les FARC. Ceux qui soutiennent le processus de paix font la promotion d’un nouveau monde.
En 2018, l’actualité colombienne sera riche : le début de la participation des FARC à la vie politique et médiatique et l’élection présidentielle vont animer la vie publique et stimuler les mémoires.
Que va-t-il se passer lorsque le discours politique des FARC entrera dans l’espace public ? Quelle incidence aura-t-il dans la présidentielle ? Quelles images de la mémoire publique, consultées en ligne, va-t-on découvrir ? Certaines des images qui hier servaient à entretenir la guerre, pourront-elles servir de point d’appui pour vivre ensemble?
Memento.cab
Depuis dix ans, la Colombie a réalisé un travail de mémoire exemplaire. Dans ce cadre, le projet Memento.cab va mettre en relation plusieurs fonds d’archives numérisées (Centro Nacional de la Memoria Histórica à Bogotá, la Biblioteca Publica Piloto à Medellin, les archives nationales et la Casa de memoria de Medellín), qui illustrent la Colombie des 20e et 21e siècles.
Croisant big data, art et SHS, ce projet s’intéresse à la façon dont les personnes réécrivent leurs mémoires après 80 ans de guérilla en Colombie.
Dans ce contexte, l’objectif est de mettre en ligne, de manière ordonnée, de grands fonds d’archives multimédia colombiens afin de collecter les voies d’accès et recueillir des statistiques de fréquentation précises.
Gardienne d’un monde que l’on peut croire figé dans le passé, l’archive vit au rythme des rencontres fortuites avec son spectateur. La manière dont on questionne un moteur de recherche, les liens que l’on choisit de suivre, les enchaînements de pages sont autant d’expressions personnelles. Plonger dans les navigations d’une personne permet de tracer, à un instant donné, un portrait intime de cette dernière.
Étude des historiques de navigation
Pendant trois ans, un site dédié servira à promouvoir les documents, mesurer leur fréquentation et explorer les historiques de navigation. Chaque fois qu’un utilisateur consultera un document (sur le site et les autres plateformes), le serveur enregistrera et restituera, quasi immédiatement, les informations de cette visite. Il fournira ainsi un instantané des motifs et centres d’intérêt des utilisateurs.
L’exploitation du site permettra de collecter et traiter les méta-données pour identifier les influences de l’actualité, dégager les récurrences et pratiques stables.
Ces données collectées permettront de représenter la façon dont les gens accèdent aux contenus.
Le projet part du postulat que l’analyse des historiques de navigation combinée à une analyse sémantique adaptée permettra de :
- Faire émerger la diversité des points de vue portés sur les documents par les visiteur
- Construire artistiquement des narrations à partir des trajectoires des personnes ou des documents.
Exploiter les Big Data
Une équipe pluridisciplinaire de chercheurs en sciences sociales, spécialistes de la mémoire, du numérique ou de la Colombie, travaillera sur les données ainsi produites en croisant leurs compétences respectives.
Actuellement, l’exploitation automatisée des grands volumes de données peut donner lieu à une standardisation méthodologique qui interroge la validation des connaissances produites. L’objectif est de créer des outils et méthodologies d’exploitation des Big Data innovants pour produire des connaissances qui évitent cet écueil.
Exposition Memento.cab
Les données et leur analyse seront partagées avec des artistes et chercheurs, en France et en Colombie, et mèneront à la production d’une installation artistique.
À l’intérieur d’une cage dorée couverte des 40 à 50 000 documents, un « soleil de métadonnées » recevra en temps réel les informations de consultation du site.
Son intensité lumineuse variera en fonction de la fréquentation des archives iconographiques et une cartographie des historiques de navigation sera calculée. Les visiteurs pourront alors s’immerger dans ce réseau en réalité augmentée.
L’objet connecté, au cœur de l’installation, sera développé au cours d’une résidence artistique à la Fondation Vasarely entre le 26 janvier et le 18 février 2018 et permettra d’expérimenter une interface d’exploration des archives en réalité augmentée.
Partenaires
Ce projet développé par Clément Zablocki et Carlos Franklyn en partenariat avec la Plateforme Violence et sortie de la violence de la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH).
L’équipe se réunira les 6 mars, 4 avril, 16 mai, 6 juin, 4 juillet pour aborder les différents points d’avancement du projet.